40e anniversaire du Tournoi des 6 Nations

Vendredi 27 mai 2011; c’est l’aube; une flotille de véhicules surchargés quitte la région bruxelloise vers Calais.

A l’intérieur, des femmes, des hommes, du linge de rechange et des sticks de hockey : les Lords de l’Orée partent pour la quarantième fois à la conquête de la victoire dans le tournoi des 6 nations, lequel rassemble chaque année depuis 1972 des vétérans français, allemands, espagnols, italiens, anglais et belges.

Cette année, comme tous les 6 ans, nous rendons visite aux Pistons de Londres.
Et certains ne cachent pas une certaine appréhension : hé oui, les anglais, c’est quoi ?

“Beware of the Brits, my son, those people are not like us” me répétait ma mère quand j’étais petit et que je croyais les dames, et ma mère en particulier.

Elle ne parlait pas anglais, mais avait retenu la phrase d’une aïeule qui habitait Waterloo aux alentours de 1815 et s’était donc frottée aux troupes de Wellington.

C’est vrai, quand on y pense; ces insulaires sont différents, et leur rendre visite est comme partir vers un autre continent; la preuve, tu sors du shuttle avec ta bagnole, directement “keep left” et en plus c’est pas en français…

Les exemples historiques abondent : quand en 1066, Guillaume le conquérant a envahi l’île, il a emmené avec lui les Grands Bretons et a laissé les petits bretons en arrière à s’occuper des vaches et du camembert. C’est grâce à ce détail qu’on sait qu’avant d’être hongrois, l’aïeul de Nicolas Sarkozy était petit breton.

Pendant la guerre de 40, observez les casques des soldats : les allemands, les américains, même les français ont sur la tête des objets qui la protègent; les anglais ont une assiette à soupe renversée : la logique britannique privilégie les accessoires polyvalents.

On en a eu la preuve encore tout récemment : un mariage, chez ces gens-là, ça coûte une fortune, les pauvres ne peuvent pas, c’est trop cher. Avantage : moins tu as de mariages, moins tu as de divorces. Donc, les anglais, différents mais pas si stupides qu’ils n’en ont l’air…

La bière, non mais la bière… Dans le monde entier on fait des concours pour les meilleures du monde, les anglais restent hors concours pour les plus mauvaises…

Et j’en passe…

Les visiteurs néophytes étaient donc quelque peu anxieux, quoique maternés par quelques lordesses qui n’en étaient pas à leur première expérience de traversée de la Manche.

Heureusement, après quelques kilomètres sur les autoroutes de sa majesté, l’appréhension diminue : à part rouler à gauche, dépasser à droite et lire les informations en miles plutôt qu’en kilomètres, les embouteillages sont comme chez nous, c’est rassurant.

Et puis on arrive à l’hôtel, il y a des vrais lits, de vraies douches, de l’eau chaude et de l’eau froide, ouf… Tout va bien, vite se changer et se mettre en équipement because le premier match du tournoi se joue à 15 heures et il faudra encore rouler jusqu’au club…

Pour le reste, le tournoi était traditionnellement similaire aux 39 qui l’avaient précédé, bien organisé par les Pistons, une agréable soirée barbecue le vendredi au club, un agréable dîner de gala le samedi à l’hôtel, au cours duquel la plupart avait revêtu leurs vêtements des seventies, les dames en beauté… et le départ le dimanche après-midi, toujours un peu mélancolique… Le temps, pour ceux qui conservent les archives, aurait été plus propice à des régates qu’à du hockey…

Sur le plan sportif, nos représentants ont fait de leur mieux, avec une équipe comprenant deux ou trois genoux endommagés, quelques chevilles faiblardes et autres bobos générés par l’âge.

Il s’agissait de vaincre ou de ne pas vaincre, comme Shakespeare l’avait dèjà suggéré.

Nous avons donc courtoisement laissé aux espagnols la première place du tournoi et aux anglais la première place du sketch que chaque équipe présentait le vendredi soir. Merci à Phildebeuk, dit Le Phille, pour ses talents de coordinateur avant et tout au long de l’évènement.

Les dames visiteuses et les messieurs accompagnateurs ont fait quelques musées, Bond street, Harrod’s et les habituels hauts lieux de la capitale du Royaume-Uni.

Quant à moi, j’ai visité Camden Town, quartier peut-être méconnu des tatoueurs et des boutiques de l’exotisme à bon marché, où, sur des dizaines de rues, se vendent des bijoux de pacotille, de fausses soieries, des chaussures et des vêtements gothiques, des tee-shirts made in Bengladesh et des copies approximatives des maillots de grands joueurs de foot… Sur les trottoirs et dans les magasins, les jeunes aux yeux noircis, à la peau coloriée et dessinée, un peu plus chaque fois qu’ils ont ressenti quelque chose sans pouvoir l’exprimer ni sans trouver quelqu’un à qui le dire; les blousons noirs et les hippies d’aujourd’hui, sauf que ces vêtements-là, nous pouvions les enlever, et que la peau ils n’en ont qu’une… Un mélange terrifiant de désespoir et de Mad Max…

Je vous avais bien dit qu’ils ne sont pas comme nous…

Tony ou le Victor Hugo des bistrots