L’épopée des Pinkettes
Tout d’abord, lecteur non averti, un petit lexique qui te permettra de suivre, si l’envie te prenait de poursuivre ta lecture. Pinkette : nom féminin qui désigne une joueuse de l’Orée GU12/1. Ce nom est prononcé dans un murmure de crainte respectueuse par leurs adversaires et avec une énorme affection par leurs parents. L’étymologie du mot est fort simple. Il y a quelques années, une maman de Pinkette avait suggéré que les filles soient toutes équipées, par Saint-Nicolas, d’un joli blouson rose, orné du nom et du numéro de la Pinkette. La finalité était triple. Nous renforcions l’esprit de corps de nos filles par ce blouson, signe de leur appartenance à un club très privé. Nous rendions impossible la perte d’une pinkette (kidnapping par une autre équipe, distraction pré-adolescente, …), on ne perd pas une fillette rose fluo. Enfin, nous donnions à nos filles un look « girly » terriblement trompeur qui autorisait chez l’adversaire une complaisance dont il se mordrait les doigts…
CPER : Acronyme de Cher Parent d’Enfant Roi désignant le parent de Pinkette. Le CPER est un être dévoué qui a développé une carrière de chauffeur de taxi bénévole en plus d’une activité secondaire plus ou moins lucrative. Il conduit sa Pinkette çà et là, avec un sens aigu du devoir. Sachant qu’elle ne ratera jamais un entraînement, un match, un tournoi, qu’il vente ou qu’il grêle. La condition du CPER est misérable mais il trouve un grand réconfort dans la compagnie des autres CPER (mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit) et, surtout, dans l’épanouissement de sa Pinkette.
Sache lecteur que les défaites et matches nuls des Pinkettes se comptent sur les doigts de la main d’un lépreux. Sache que pour calculer le goal average des Pinkettes, il faut faire tourner un ordinateur toute une nuit. Sache que la Pinkette n’a connu que la tête du championnat. La Pinkette est championne de Belgique depuis sa plus tendre enfance et buvait ses biberons dans les coupes qu’elle avait gagnées. Les trophées ont envahi la cheminée du modeste pavillon de banlieue du coach des Pinkettes et ont chassé de la tablette de sa salle de bains ses antirides et ses autobronzants.
Mais quels sont les ingrédients de cette réussite étonnante, te demandes-tu, lecteur curieux et impatient? Ils sont multiples mais je vais les synthétiser à ton attention.
Ingrédient numéro un : les Pinkettes elles-mêmes. Il y a du talent chez ces jeunes filles! Et de l’envie! Beaucoup sont nées dans des familles qui ont le hockey pour religion. Certains parents ont touché le très haut ou même le plus haut niveau et, manifestement, la fée hockey s’est longuement penchée sur le berceau de l’une ou l’autre enfant. Très jeune, elle rôdait ses dribbles dans le salon familial, poussée dans le dos par une fratrie exigeante. D’autres Pinkettes sont nées de familles sportives et ont facilement rejoint la dynamique du groupe. Certaines enfin représentent des aberrations statistico-génétiques, à moins qu’un grand facteur athlétique ne soit passé par là. Toujours est-il que la Pinkette est motivée et douée. Et, tellement important, les Pinkettes sont les meilleures amies l’une de l’autre. Les Pinkettes s’invitent à leurs anniversaires en priorité (les autres copines non hockeyeuses suivent, peut-être). Les Pinkettes se voient pour un oui ou pour un non. C’est une équipe, juste comme Florian aime. Elle se battent l’une pour l’autre. Elles s’encouragent.
Deuxième ingrédient, le CPER : je vous ai parlé de ce travailleur de l’ombre, qui jongle avec les obligations et les navettes, dont le WhatsApp U12 girl power vibre sans arrêt dans sa poche. Son sacrifice est d’autant plus beau qu’il œuvre pour le seul club huppé qui ne lui propose ni club house, ni chauffage, ni petit café matinal dans les petits matins frisquets. Bien évidemment, le CPER participe au cadre de l’équipe. La mécanique est huilée. Il y a une déléguée, sévère quand il le faut, charmante le reste du temps, des arbitres compétents au coup de sifflet velouté, des coaches réservistes efficaces, un comité des fêtes actif et épicurien, une cellule tournois sympathiquement bordélique, un photographe talentueux, un journaliste qui s’est libéré de la notion de vérité, … Les Pinkettes sont convoyées par un système de navettes fluide et altruiste. La ponctualité est la règle. Le coach (voir ci-après) est intraitable à ce sujet.
Et enfin, dernier ingrédient (mais not least), le coach. Je ne voudrais pas encourager l’arrogance du garçon, mais il faut reconnaître qu’il a su trouver l’équilibre parfait entre la discipline et l’humour, le travail sérieux et la décontraction. Il est l’idole des filles et elles marchent au pas. Et, j’oubliais, il connaît le métier mieux que personne. Top crédibilité. Notons qu’avant lui, il y en avait un autre qui avait bien préparé le terrain. La Pinkette est dure à jouer parce qu’elle a le sens du MAARQUÂÂÂCH !!!!
Ca ressemble à un conte de fées, non, cette épopée des Pinkettes? Mais pourtant c’est la réalité que nous avons vécue. Nos filles se sont épanouies dans le sport. Elles ont beaucoup ri, beaucoup appris. Elles ont acquis le sens de l’équipe. Elles ont mieux grandi. Quant aux CPER, ils sont maintenant un groupe d’amis. Merci, l’Orée!
Devant nous, le passage en GU14. Les Pinkettes vont être séparées par les impératifs du sport de compétition. D’ailleurs, les blousons roses sont trop petits. C’est la fin d’une époque et un symbole du temps qui passe. Mais ce qui fut pris fut pris! Le défi est double maintenant : recréer cette ambiance magnifique dans la nouvelle équipe, ne pas perdre de vue les copines et leurs parents qui rejoignent un autre groupe. On peut le faire!