Frank Smissaert, les sabots en cuir

Philippe Demaret est allé à la rencontre d’un de nos plus fidèles oréens et gardien de légende. Découvrez l’intégralité de cet entretien à la suite ou sur okey.be.

Il fut un des plus grands gardiens de notre hockey et a connu la dernière aventure olympique belge en 1976 à Montréal. Un bout d’histoire avec Frank Smissaert.

Le dernier numéro du magazine Hockey Player a organisé un face à face entre Jean-Claude Le Clef et… Frank Smissaert, deux grands observateurs de notre hockey. L’occasion de revenir sur l’évolution de notre sport en 10 ans.

Frank Smissaert fut un de nos gardiens de légende au même titre que Marcel Thill, Jean-Marie Buisset ou Michel Van Oost. A son apogée dans les années 70, il a connu le passage du gazon naturel au synthétique et l’accélération de la vitesse de la balle. Un tournant.

Smissaert a commencé le hockey très tard (par rapport aux normes actuelles!). A 14 ans, il jouait dans le jeu et ne doit son passage au poste de gardien qu’à des circonstances habituelles : il fallait faire une tournante entre les jeunes de l’équipe. Frank se débrouillait pas mal dans le but mais cela ne devait pas faire de lui un grand gardien. Il faudra un autre coup de pouce.

C’était à l’Orée, son club de toujours. Il était en concurrence avec Jacques Eloi et le coach d’alors avait choisi de faire jouer un gardien puis l’autre. “C’était une formule terriblement stressante et je n’aimais pas trop cela. Jacques Eloi non plus. Il est parti voir sa copine en Angleterre. Le coach a finalement choisi de me faire jouer. Jacques avait des guêtres en bambou; j’ai utilisé ces guêtres mais c’était très inconfortable et la balle partait n’importe où. Voyant cela, mon père m’a offert une nouvelle paire de guêtres de chez Sport Stores à la gare du Midi. Elles étaient en cuir avec des lattes à l’intérieur du cuir; comme celle de Jean-Marie Buisset.”

Chaque gardien avait à l’époque son propre équipement, un matériel assez cher et que chacun soignait avec précaution. “Mes sabots étaient en cuir. Il fallait les graisser pour éviter qu’ils prennent l’eau. Un sabot mouillé pèse deux à trois plus qu’un sabot sec. Il fallait donc le faire sécher (comme le reste d’ailleurs) après chaque match, enlever la boue et enduire le tout avec de la graisse de phoque. Et pour le reste, je portais une coquille et pas de masque.”

L’arrivée de Frank Smissaert en équipe nationale date de 1973. Il était la doublure de Jean-Marie Buisset. Il montait au deuxième match de la Coupe du Monde à Amsterdam alors que Buisset fêtait sa 100e sélection. Le “Smiss” se souvient d’un tournoi somptueux en Inde pour fêter le 100e anniversaire de la fédération indienne.

“C’était avec l’Allemagne, le Pakistan et l’Inde. On arrive en finale de ce tournoi. Un résultat extraordinaire. Sur base de ce résultat, Maurice Fraikin, notre Secrétaire Général d’alors, obtient un test-match contre l’Angleterre avec pour enjeu une place pour les JO de Montréal. Les tests-matches eurent lieu à Amsterdam et il fallait 3 points pour gagner le ticket olympique. On perd le premier match 0-3. On gagne le deuxième 3-2. Dans la belle, on force les prolongations à très peu de temps des 70 minutes. A deux minutes de la fin de la deuxième prolongation, on obtient un pc et le tir de Serge Dubois aboutit à un endroit très délicat pour le gardien anglais. Les arbitres font retirer le pc et Dubois place la balle entre les jambes du gardien : on était partis pour Montréal!”

Le jeu allait de plus en plus vite et Smissaert allait connaître le synthétique. Il prenait alors un masque pour se protéger le visage. Ce ne fut pas au goût de Willicq, l’entraîneur des Diables Rouges : “Smissaert, vous n’êtes pas une actrice de cinéma. Vous jouez sans masque ou vous n’allez pas aux JO!”. Le gardien belge s’exécutait mais de mauvaise grâce : “C’était terriblement dangereux, surtout sur pc. On pouvait tirer n’importe où dans le but! Ces Jeux furent le plus beau souvenir de ma carrière. Au village olympique, on était 110 belges. Avec des Gaston Roelants, Van Lembergen, Burny (médaillé en kayak)!”

Frank Smissaert a joué 11 ans en équipe nationale, obtenant 86 sélections. Il a connu de grand entraîneurs et de grandes compétitions. “Je me souviens encore de cette coupe Intercontinentale à Kulala Lumpur, avec Robert Lycke comme chef de délégation et Armand Solie comme entraîneur. On devait terminer 4e pour aller aux JO : on a fini 5e! Je me souviens aussi avec regret de la coupe du Monde de Buenos Aires en 78 : Emile Lerminiaux ne m’a pas pris. Mon aventure internationale s’est terminée en 83.”

Le ” Smiss” a encore plein de souvenirs à raconter d’une époque qui revêt un aspect si particulier. Mais il est encore aujourd’hui sur le terrain avec les Old Lions… dans le jeu.

Philippe Demaret
okey.be